Le rationalisme, de son côté, reconnaît sans doute que l'être raisonnable poursuit des fins proprement rationnelles. Mais, ici, ce que la raison appréhende comme fin, c'est encore quelque chose d'extérieur et de supérieur : un Être, un Bien, une Valeur, pris comme règle de la volonté. Dès lors, il y a moins de différence (6 | 7) qu'on ne pourrait croire entre le rationalisme et l'empirisme. Une fin est une représentation qui déterminent la volonté. Tant que la représentation est celle de quelque chose d'extérieur à la volonté, il importe peu qu'elle soit sensible ou purement rationnelle ; de toute façon, elle ne détermine le vouloir que par la satisfaction liée à « l'objet » qu'elle représente. Que l'on considère une représentation sensible ou rationnelle, « le sentiment de plaisir par lequel elles forment le principe déterminant de la volonté... est d'une seule et même espèce, non seulement en tant qu'il ne peut jamais être connu qu'empiriquement, mais aussi en tant qu'il affecte une seule et même force vitale ».
Contre le rationalisme, Kant fait valoir que les fins suprêmes ne sont pas seulement des fins de la raison, mais que la raison ne pose pas autre chose qu'elle-même en les posant. Dans les fins de la raison, c'est la raison qui se prend elle-même pour fin. Il y a donc des intérêts de la raison, mais, en plus, la raison est seul juge de ses propres intérêts. Les fins ou intérêts de la raison ne sont justiciables ni de l'expérience, ni d'autres instances qui resteraient extérieurs ou supérieurs à la raison. Kant récuse d'avance les décisions empiriques et les tribunaux théologiques. « Tous les concepts, même toutes les questions que nous propose la raison pure, résident non pas dans l'expérience, mais dans la raison... C'est la raison qui, seule, a engendré ces idées dans son sein ; elle est donc tenue de rendre compte de leur valeur ou de leur inanité. » Une Critique immanente, la raison comme (7 | 8) juge de la raison, tel est le principe essentiel de la méthode dite transcendantale. Cette méthode se propose de déterminer : 1° La vraie nature des intérêts ou des fins de la raison ; 2° Les moyens de réaliser ces intérêts.