Le Monde.fr | 08.05.2014 à 11h16 • Mis à jour le 08.05.2014 à 11h22 |
Par Jean Birnbaum
Ce qui définit l’Occident, disait Michel Foucault, c’est une certaine manière de conjuguer le sexe et la vérité. Mais il faut se garder, ajoutait le philosophe, d’envisager ce lien sous le seul angle de l’interdit ou du refoulement. Ici, il s’agit au moins autant d’expression que de répression, car chacun d’entre nous se cherche à travers le sexe : « A lui de nous dire ce qu’il en est de nous », résumait Foucault dans les colonnes du Monde en 1976.
Deux ans plus tard, Foucault illustrait encore une fois cette idée en publiant le témoignage d’un hermaphrodite : Herculine Barbin dite Alexina B., souvenirs d’une « petite provinciale française au sexe incertain », éduquée dans un pensionnat religieux, et qui s’est suicidée en 1868, à Paris, après être devenue un homme pour l’état civil. Ce superbe texte autobiographique se trouve aujourd’hui réédité avec divers documents historiques, une postface du sociologue Eric Fassin et la préface que Foucault avait rédigée pour la traduction américaine (Gallimard, 272 p., 19,50 €).
Ce qui frappe, à la lecture de ce texte, c’est que Foucault, selon son habitude, déjoue le rôle politique qu’on voudrait lui faire endosser. Loin de décrire Herculine comme la pure victime du pouvoir (assignation médicale ou inquisition juridique), il fait d’elle un sujet authentique, continuellement en quête de son « vrai sexe ». Commentant de façon magnifique cette quête identitaire et la forme littéraire qu’elle revêt, il rend justice à sa portée tout ensemble existentielle et politique.
Trente ans après sa mort, en 1984, cette attention au sexe comme fantasme identitaire, mais aussi comme ardente volonté de savoir, est l’un des héritages les plus vivants du philosophe. En témoigne le dossier que nous consacrons aux parutions marquant cet anniversaire : commentée à travers le monde entier, l’œuvre de Foucault ne fait pas qu’éclairer la place croissante des « politiques sexuelles » au sein de notre actualité, elle en montre également les ambivalences. « Avons-nous vraiment besoin d’un vrai sexe ? », s’interrogeait Foucault, ce philosophe qui posait des questions aujourd’hui devenues nôtres, ce penseur qui demeure pour nous comme un recours, comme la possibilité d’un engagement où la vérité se fait plaisir.
- Nov 30 Wed 2016 00:00
把「壞事」當作稀鬆平常:the banality of evil
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Michel Foucault, le plaisir d’être soi
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