"L'Odyssée de Pi" : la jolie odyssée d'un tigre de pixels |
LE MONDE | 18.12.2012 à 13h36 |
Au début de ce film enchanteur et incomplet, on voit un zoo, en relief - puisque le film tout entier se voit avec des lunettes. Les plans de flamants roses qui se détachent parfaitement sur la mare, de phacochères (ou de babiroussa) dont les verrues jaillissent, ramènent aux émerveillements primitifs. Ces vues stéréoscopiques sont artificielles et ravissantes. On se retrouve dans la peau d'un spectateur du XVIIIe siècle qui découvre la lanterne magique ou dans celle d'un bambin à qui l'on a donné une visionneuse à diapositives. Ang Lee, cinéaste complexe jusqu'à l'incohérence, aime, entre deux études sur la noirceur de l'âme humaine, retrouver ce regard d'enfant. C'était le cas dans Tigre et dragon (2000) qui relevait autant du conte de fées que du film de sabre. En adaptant le roman de Yann Martel, L'Histoire de Pi (Folio, 2005, rééd. 2012), il a trouvé un matériau à bien des points de vue idéal. L'histoire de Piscine Patel (Suraj Sharma), né à Pondichéry, ainsi nommé parce qu'un oncle avait effleuré le paradis en nageant dans la piscine Molitor à Paris, n'est pas faite pour être prise au pied de la lettre. Martel a imaginé qu'elle est recueillie au Canada, par un écrivain en mal d'inspiration. Un universitaire du nom de Pi Patel lui raconte comment il a survécu au naufrage qui a emporté sa famille et les animaux du zoo que celle-ci gérait à Pondichéry. Quittant l'Inde pour le Canada, les Patel avaient emmené avec eux les créatures qui les avaient fait vivre, jusque-là dans l'idée de les vendre en Amérique. Mais les courants et les vents firent que Pi se retrouva seul sur un canot de sauvetage avec une hyène, un zèbre et un tigre nommé Richard Parker. La véracité de cette odyssée n'est qu'une question subsidiaire. Le livre en fait un enjeu philosophique que le scénario de David Magee tente de transposer à l'écran : Pi et Richard Parker incarnent la dualité du monde vivant, l'esprit qui lui donne forme et la chair et l'énergie qui l'animent. A la partition New Age de Mychael Danna répond une espèce de bande intellectuelle qui accompagne les péripéties fantastiques : l'humain ne peut exister contre la nature, nous sommes une partie inséparable d'un grand tout (leçon récemment dispensée, sous une autre forme, dans Les Bêtes du Sud sauvage, de Benh Zeitlin). Cette version considérablement allégée de quelques philosophies et religions orientales est administrée avec une maladresse qui contraste avec la magnificence très légèrement kitsch des êtres et des éléments agitant l'écran. L'Odyssée de Pi est un film merveilleux. Parce qu'il montre des merveilles qu'on n'aurait jamais crues à portée de regard : un tigre qui nage au milieu de l'océan Pacifique, filmé depuis le fond de l'eau ; une baleine qui brise l'eau phosphorescente pour illuminer un garçon et un grand félin ; une île flottante de palétuviers peuplée de suricates qui dérive sur la mer... Ang Lee manie les outils numériques (images générées par ordinateur, relief, etc.) avec la virtuosité légèrement exhibitionniste d'un magicien de cirque. Que l'on attende les péripéties parce qu'on a lu le livre (la réponse à la question "mais comment va-t-il faire pour... ?" est ainsi toujours époustouflante) ou que l'on aille de surprise en surprise, L'Odyssée de Pi est une flânerie exquise, d'autant que le rythme du récit est ample, jamais forcé. |
Thomas Sotinel |
《少年 Pi 的奇幻漂流》之《世界報》影評《少年 Pi 的奇幻漂流》之《世界報》影評《少年 Pi 的奇幻漂流》之《世界報》影評《少年 Pi 的奇幻漂流》之《世界報》影評《少年 Pi 的奇幻漂流》之《世界報》影評《少年 Pi 的奇幻漂流》之《世界報》影評
留言列表