羅曼˙波藍斯基接受瑞士羅曼語電視台主持人達黎宇斯˙侯胥班(Darius Rochebin)的專訪,專訪影片將於二○一一年十月二號在瑞士羅曼語電視台播出;以下專訪文稿則是轉載法國《世界報》二○一一年十月二日號。
Roman Polanski : "Je suis habitué à la mort, oui" |
Le Monde | 01.10.11 | 12h02 • Mis à jour le 01.10.11 | 15h10 |
Pour la première fois depuis son arrestation à Zurich, en 2009, Roman Polanski se confie dans une interview-document, qui sera diffusée à la Télévision suisse romande, dimanche 2 octobre. Le cinéaste a accepté de répondre à Darius Rochebin, présentateur du journal télévisé suisse. Il décrit sa captivité, son travail en prison. Il raconte une vie marquée par une suite d'événements dramatiques. "Dès ses premières réponses, précise Darius Rochebin, j'ai senti que Roman Polanski était en veine de confidences. Ce lundi 26 septembre, au Gstaad Palace, désert, ouvert uniquement pour nous, il semble soudain dénoué, ouvert à toutes les questions. Il avait accepté 'quelque chose de très court, juste pour les news'." Il restera assis 60 minutes devant les caméras de la TSR. "Il ne donne presque jamais d'interview. Il a visiblement envie de faire une exception, poursuit Darius Rochebin. Peut-être une manière de boucler la boucle : il vient recevoir à Zurich le prix qui lui était destiné quand il a été arrêté, il y a deux ans jour pour jour. C'est aussi le fruit d'une relation de confiance depuis deux ans. Je me suis rendu plusieurs fois dans son chalet de Gstaad. Nous avons parlé de son incroyable capacité de survie, de nos lectures respectives et du gâteau au pavot polonais qu'il m'a fait partager en signe de bienvenue."
Roman Polanski : C'est une chose à laquelle j'ai été déjà habitué il y a trente-quatre ans ! Il ne faut pas oublier que je suis allé en prison. J'ai fait ma peine. C'est pour ça que je suis parti des Etats-Unis, à l'époque, parce qu'on voulait "rebeloter". Mais cette fois, c'était plus supportable. Je n'avais plus cette panique du jeune metteur en scène jet-set qui ne reste jamais dans un même endroit plus que trois ou quatre jours.
Oui. Oui. Bien sûr, oui.
Oui, naturellement. Cela fait quand même trente-quatre ans. Bien sûr, j'avais des regrets.
Je vis en France, je suis français!
Non, parce que, déjà, je me suis habitué pendant cette année sabbatique [rire]. Et puis j'ai beaucoup voyagé dans ma vie. Ce qui compte pour moi, c'est d'être près de ma famille et de ne pas être séparé comme pendant cette année. Ce qui est bon maintenant, c'est que la vie est absolument normale.
Cette image de moi a commencé à la mort de Sharon Tate. C'est ça qui a plu aux médias, et ça roule comme une boule de neige. Ça a vraiment explosé avec l'invention de l'Internet.
Bizarrement, la première fois, c'était pour fuir les médias. C'était après la tragédie qui nous est arrivée à Los Angeles, où Sharon Tate, ma femme, enceinte de huit mois, a été assassinée avec trois de mes amis. Avant qu'on trouve Manson, j'étais même soupçonné d'avoir quelque chose à faire avec ça. Cela excitait énormément les médias parce que je venais de finir le film Rosemary's Baby sur la magie noire et ils ont fait immédiatement un amalgame. C'était insupportable. J'avais un ami qui m'a invité à Gstaad. Il m'a dit : "Ici tu seras à l'abri." Et en effet, à cette époque, on était complètement à l'abri. Il y avait quelques paparazzis qui venaient autour des fêtes de Noël dans la haute saison pour vous photographier et c'était tout.
Vous savez, je me pose la question. Je suis peut-être fait d'un matériau plus dur. On pourrait faire des clous avec moi.
Certainement, j'ai vu la mort très jeune, dans le ghetto. La première fois, j'ai vu une femme tuée, quand j'avais 7 ans, à quatre mètres de moi. C'est comme le chirurgien, il s'habitue au ventre ouvert. Je suis habitué à la mort, oui.
Oui, c'était mon premier jour dans une crèche et on m'a viré tout de suite. Donc je n'ai jamais été en crèche. Mes parents étaient désespérés ! Il s'en est suivi un parcours compliqué. Très ! A l'école il y avait un épidiascope. J'étais fasciné, pas tellement par les illustrations de livre que ça permettait de projeter, mais par le mécanisme de la projection. J'étais toujours le problème de la classe, parce que je mettais la main devant l'objectif pour faire des ombres chinoises, c'était la mécanique de la projection qui me fascinait.
C'était des moments où ma grande sœur m'emmenait voir des films. J'étais trop petit pour aller au cinéma, la seule chose intéressante c'est que le cinéma était vide, c'était l'après-midi et lorsque je voulais faire pipi, elle ne voulait pas rater la scène, elle me faisait pisser sous les rangs.
C'était la campagne vraiment médiévale… Il n'y avait à manger que du gruau. La famille chez qui j'étais avait trois gosses. La femme était extrêmement bonne, très religieuse, et certainement cela avait à voir avec ça. Elle m'aimait beaucoup. C'était bien, ça, c'était bien.
Oui, parce qu'on pouvait me découvrir. Heureusement, j'avais un physique extrêmement polonais. J'avais des cheveux clairs. On peut encore le voir un peu, même s'ils sont gris. J'avais un physique qui n'était pas difficile à cacher.
Beaucoup de chance oui. Beaucoup de malchance aussi. Cela se mélange. Peut-être que, dans cette amplitude, les hauts paient pour les bas…
Dans la vie, l'humour se mélange au tragique ! Je me rappelle, en Pologne, les funérailles de mon père. C'était à l'époque où on sortait du communisme. Il y avait encore la vodka dans toutes les circonstances et les quatre croque-morts venus porter le cercueil étaient complètement bourrés. J'étais furieux. Je ne savais pas quoi faire. Il y avait mes amis, cinéastes, Wajda, Morgenstern. Ils m'ont dit : on va porter le cercueil. C'était drôlement lourd. Moi et Morgenstern, on était petits. Je sentais que le corps de mon père glissait vers nous, on portait tout le poids. C'était des trucs comiques et dramatiques et même temps.
C'est des bonnes conditions ! Moi, je forcerais certains scénaristes à se faire arrêter pour se mettre au boulot [rires]. Avant, dans les studios hollywoodiens, il y avait une partie qui s'appelait writer's block, et les scénaristes pointaient le matin ! C'est l'histoire de deux couples qui ont des rapports courtois au début, puis tout dégénère en insultes et en haine. C'est ça qui m'a séduit dans la pièce [de Yasmina Reza]. C'est la dénonciation du politiquement correct. Les personnages révèlent leur vraie nature humaine. C'est-à-dire des gens capables de haine, d'égoïsme, mais tout ça est couvert par le vernis de la classe moyenne, qui se veut d'ailleurs très civilisée.
Je pense qu'on est tous comme ça, peut-être avec quelques exceptions… Moi ! [Rires.]
Non je ne pense pas, je pense que j'ai moins de vernis…
Souvent oui, montrer la vraie nature des gens. D'ailleurs, dans mon premier film, Le Couteau dans l'eau, il y avait beaucoup de ça et j'étais tout jeune, j'avais 27 ans quand j'ai fait ce film…
J'étais en train de terminer Ghost Writer. J'avais un ordinateur, mais je n'avais pas le droit à l'Internet. On m'envoyait des DVD. Je faisais des notes que je donnais à l'avocat, l'avocat les donnait à la police, la police les rendait à l'avocat. Ensuite, on les envoyait à mon monteur. C'était un processus extrêmement lent. Ils nous ont installés dans une salle où normalement les prisonniers pèlent les oignons pour gagner un peu de sous.
C'était un peu bizarre les premiers jours. C'est un autre angle, dans notre langage de cinéastes. Cela a des séquelles quand même. On ne fonctionne pas pareil après une expérience comme ça, à mon âge, si longtemps après tout ça…
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Propos recueillis par Darius Rochebin |
Article paru dans l'édition du 02.10.11 |
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