薯條革命

Les émeutes de Tottenham, un retour à une "époque révolue"
LEMONDE.FR | 08.08.11 | 20h17 • Mis à jour le 09.08.11 | 08h01

Les deux nuits d'émeutes qu'a connues le quartier de Tottenham, vendredi et samedi, ont exhumé le souvenir des violences d'octobre 1985 dans ce quartier du nord de Londres.

Il y a 26 ans, c'était la mort de Cynthia Jarrett après une perquisition à son domicile qui avait mis le feu aux poudres. Aujourd'hui, c'est la mort, dans des circonstances toujours obscures, de Mark Duggan qui est à l'origine des violences outre-Manche.

Mais entre ces deux événements, l'Angleterre a déjà été confrontée plusieurs fois à des émeutes qui, à l'inverse du contexte français, "ont changé de nature au travers des époques", souligne Fabien Jobard, co-auteur, avec les chercheurs britanniques Dave Waddington et Mike King, de Rioting in the UK and France, 2001-2008.

"C'est étonnant de voir ce qui se passe actuellement alors que cette configuration de révolte n'avait pas eu lieu depuis vingt ans au moins, observe le chercheur. Entre 1980 et 1985, les émeutes impliquaient des jeunes issus des minorités, comme à Tottenham en 1985. En 1990, les troubles touchaient les jeunes de la classe ouvrière du nord du pays, c'est-à-dire une population blanche. Puis, entre 1990 et 2000, les violences sont devenues plutôt inter-ethniques ou politiques."

"UN RACISME INSTITUTIONNEL"

Les violences qui émaillent la capitale ces derniers jours rappelleraient ainsi une "époque révolue" de violences soudaines et sauvages ciblant les forces de l'ordre. Dans les années 1980-1990, ce phénomène fut imputé à des causes sociales, mais sans exclure des facteurs ethniques. Publié en 1981, après les incidents de Brixton impliquant des jeunes et la police de Londres, le rapport Scarman appelait, entre autres, à favoriser l'intégration dans la police de personnes issues des minorités ethniques, tout en préconisant une réforme de la procédure des contrôles d'identité et fouilles.

Les événements de ces derniers jours semblent à nouveau poser la question du rapport qu'entretient la police avec les jeunes issus des minorités ethniques au Royaume-Uni. En 1999, un rapport rédigé par le juge William Macpherson, suite à la mort de Stephen Lawrence, jeune Noir poignardé à un arrêt de bus, affirmait qu'un "racisme institutionnel" existait au sein de la police britannique : "L'échec collectif d'une organisation à fournir une aide appropriée et professionnelle à des personnes à cause de leur couleur de peau, leur culture ou leur origine ethnique (...) désavantage les personnes issues des minorités ethniques", affirmait ce document qui provoqua d'important remous dans l'institution.

Mais "ce qui a commencé samedi à Tottenham, avec des jeunes furieux contre ce qu'ils considèrent être des persécutions policières, a changé de nature", affirment plusieurs observateurs sur place dont Andy Moore, l'un des reporters de la radio-télévision publique.

Désormais les jeunes s'attaquent aux magasins en tout genre. C'était encore le cas ce lundi soir, quand des scènes de pillage ont eu lieu dans le quartier londonien de Hackney.
Mathias Destal

Tottenham, récit d'une nuit d'émeutes
LEMONDE.FR | 08.08.11 | 21h17

Il est 22 h 30, samedi soir dans le quartier de Tottenham, dans la banlieue nord de Londres, lorsque la situation, tendue depuis plusieurs jours dégénère : deux véhicules de police sont violemment pris à partie par un groupe de plusieurs dizaines de jeunes, qui y mettent le feu. Débute alors une nuit de violences urbaines, opposant environ 150 personnes à des policiers anti-émeute nombreux mais visiblement débordés.

C'est la mort d'un habitant du quartier, jeudi, qui avait provoqué un début de tensions. Mark Duggan, 29 ans et père de famille, a été abattu par des tireurs d'élite de la police londonienne alors qu'il se trouvait dans un taxi. D'après les policiers, il aurait ouvert le feu sur un officier, avant d'être abattu. Une arme a été retrouvée près du corps.

Mark Duggan avait été placé sous surveillance depuis plusieurs jours, parce que la police craignait qu'il ne tente de venger la mort de son cousin, le rappeur Kevin Easton, poignardé dans une boîte de nuit de l'est de Londres en mars. D'après les tabloïds britanniques, Mark Duggan était membre d'un gang lié aux Yardies, une mafia jamaïcaine spécialisée dans le trafic de cocaïne. Juste avant sa mort, il a envoyé un SMS à sa petite amie, chez qui il se rendait : "Les keufs sont après moi".

Pour ses proches, le récit des policiers ne cadre pas avec la personnalité de Mark Duggan, dont le casier judiciaire était vierge. "S'il avait une arme sur lui, et qu'il était suivi par la police, Mark n'était pas du genre à tirer, plutôt à s'enfuir", affirme sa petite amie. Un policier a été légèrement blessé par balle ; mais l'IPCC, la police des polices britanniques, se refuse pour l'instant à dire si le coup de feu a pu être tiré par Mark Duggan ou s'il provenait de l'arme d'un autre policier. Arrivée sur les lieux de la fusillade, la petite amie de M. Duggan n'a pas été autorisée à voir le corps.

Un détail parmi d'autres, qui a renforcé les suspicions de la famille et des amis de ce père de trois enfants. Samedi, ils ont organisé, avec l'aide de plusieurs figures du quartier, une manifestation pour demander que la vérité soit faite sur les circonstances de sa mort. Environ 300 personnes ont défilé dans les rues de Tottenham, avant de demander qu'une délégation soit reçue par la police. Laquelle a refusé. "J'ai dit personnellement à l'inspecteur en chef que nous voulions finir la manifestation avant la tombée de la nuit, mais que s'il nous faisait attendre plus longtemps, il serait responsable. Nous ne pouvions pas garantir que la situation reste sous contrôle", raconte un organisateur de la marche. A la tombée de la nuit, la violence explose.

UN QUARTIER TRÈS DÉFAVORISÉ

La violence n'est pas rare à Tottenham, l'un des quartiers les plus pauvres du Royaume-Uni. Le trafic d'héroïne y est important, contrôlé par les mafias turques ; le taux de chômage, le nombre d'agressions, et le pourcentage de grossesses adolescentes sont parmi les plus importants de Londres. Environ la moitié de la population du quartier est immigrée ou d'origine immigrée, avec une forte prédominance d'immigrants caribéens. Mark Duggan, lui, était né à Tottenham. Il a grandi à Broadwater Farm, un ensemble de bâtiments devenu mondialement connu en 1985, lorsque ces immeubles ternes sont devenus le point de départ d'émeutes gigantesques. A l'époque, c'est la mort de Cynthia Jarrett, une mère de famille de 49 ans, lors d'une perquisition à son domicile et dans des circonstances peu claires, qui avait mis le feu aux poudres.

Les évènements qui se déroulent le lendemain rappellent ceux de 2011. Une manifestation est organisée par les proches de la victime devant le commissariat de police. Au cours de la journée, la tension monte entre les policiers et un petit groupe de jeunes, qui crient au crime raciste. En fin d'après-midi, des habitants du quartier lancent des pierres et des cocktails Molotov alors que la police riposte à coups de bâton. Intervenant pour protéger les pompiers, pris à partie par des émeutiers dans une rue périphérique, un policier nommé Keith Blakelock trébuche alors qu'il est poursuivi par un groupe de jeunes. Il est tué à coups de machette. Plusieurs autres policiers sont blessés à coups d'arme blanche et par balle.

La riposte des forces de l'ordre ne se fait pas attendre. Un imposant déploiement policier est mis en place, et une enquête à très grande échelle est ouverte pour retrouver les assassins de Keith Blakelock. Six personnes sont finalement interpellées, trois adultes et trois mineurs, mais le procès tourne à la farce judiciaire. Les trois mineurs sont libérés pour vice de procédure, après avoir été interrogés dans des conditions dégradantes. Les trois adultes, condamnés à de lourdes peines en 1987, seront innocentés quatre ans plus tard lors du procès en appel : leur avocat prouvera que les pièces à conviction les impliquant avaient été manipulées.

DE L'ÉMEUTE "POLITIQUE" AUX PILLAGES

Ce 7 août 2011, les violences n'ont pas atteint l'ampleur des émeutes de 1985. Circonscrites à la rue principale du quartier et à quelques rues annexes, elles n'ont pas fait de mort, mais de nombreux blessés, et des dégâts estimés à 100 millions de livres sterling. Alors que les premières échauffourées éclatent, un incident précipite les violences : une jeune fille de 16 ans, qui a lancé des pierres sur les policiers, aurait été passée à tabac par la police. Vraie ou fausse, la rumeur parcourt les rangs des émeutiers, qui redoublent de violence.

Des cocktails Molotov mettent le feu à deux voitures de police, un bus à impériale, et plusieurs bâtiments dont l'emblématique magasin Carpetright, un bâtiment des années trente classé et situé sur la principale artère du quartier. Malgré l'intervention de la police montée et d'unités anti-émeutes, les forces de l'ordre ne parviennent à reprendre le contrôle du quartier que tard dans la nuit, tandis que des groupes d'émeutiers pillent les magasins.

Les pillages se poursuivront dans la nuit du dimanche à lundi, mais dans d'autres quartiers de Londres, et notamment au sud de la capitale, dans le quartier de Brixton. Un quartier touché lui aussi, en 1985, par des émeutes après la mort d'une femme tuée par un coup de feu tiré par un policier.

Le Monde.fr
 

De nouvelles émeutes en Grande-Bretagne
LEMONDE.FR avec AFP et Reuters | 09.08.11 | 08h00 • Mis à jour le 09.08.11 | 22h57

Les émeutes gagnent du terrain en Grande-Bretagne. Cinq jours après leur événement déclencheur, la mort d'un homme de 29 ans tué par la police, jeudi, les phénomènes de violence et de vandalisme qui ont plongé Londres dans le chaos et la stupéfaction s'étendent à d'autres villes du pays.
  • Les émeutes gagnent d'autres villes

Les émeutes ont repris mardi en fin d'après-midi près de Birmingham (Centre), la deuxième ville du pays, et à Manchester (Nord-Ouest), a annoncé la police.

A Manchester, qui n'avait jusqu'à présent pas été touchée par les violences, une vingtaine de jeunes ont lancé des briques sur des voitures de police avant d'être dispersés, et plusieurs magasins ont été incendiés. "Quelques magasins ont été attaqués par des groupes de jeunes qui se sont rassemblés et semblent déterminés à provoquer des désordres", a déclaré le chef adjoint de la police de Manchester.

A West Bromwich, une localité proche de Birmingham, environ 200 personnes derrière des barricades ont envoyé des projectiles en direction des forces de l'ordre, incendié des véhicules et vandalisé des magasins, selon la police et la BBC. A Wolverhampton, dans la banlieue de Birmingham, des magasins ont également été livrés à des pillages, a indiqué la police.

Birmingham avait été le théâtre de violences dans la nuit de lundi à mardi, où des magasins du centre-ville avaient été pillés et un commissariat de police incendié. Plus de 130 personnes ont été interpellées après ces incidents. Depuis le début des violences samedi en Grande-Bretagne, les émeutiers ont souvent pris la police pour cible, et 111 membres des forces de l'ordre ont été blessés à Londres. A Liverpool, lundi, la police locale avait également fait état de scènes de violence, notamment l'incendie de plusieurs voitures.

A Londres, où un important dispositif policier a été déployé, aucun incident n'était répertorié en début de soirée, mais la tension était perceptible. Le reporter du Guardian Paul Lewis, qui suit les événements sur son compte Twitter, a même décidé d'aller à Birmingham pour couvrir les événements de la nuit :

  • Dispositif exceptionnel

A l'issue d'une réunion d'urgence, David Cameron a promis de tout mettre en œuvre pour ramener l'ordre dans les rues des grandes villes. Il a annoncé une augmentation des effectifs policiers à Londres, qui passeront de 6 000 à 16 000. Il a également précisé que les vacances parlementaires seraient interrompues jeudi pour une séance exceptionnelle consacrée à ces émeutes.

La Fédération anglaise a par ailleurs annoncé l'annulation du match de football amical Angleterre-Pays-Bas. Il devait se tenir mercredi à Londres. Les violences dans plusieurs quartiers ont déjà conduit au report de plusieurs matchs de Coupe de la Ligue.

La Commission de contrôle indépendante (IPCC) qui a ouvert une enquête sur les circonstances de la mort de Mark Duggan, à l'origine des troubles, a estimé, mardi, qu'il n'y avait "pas de preuve à ce stade", au vu des expertises balistiques, que l'homme tué jeudi par la police ait ouvert le feu.

Un peu plus tôt dans la journée, un médecin légiste avait précisé, lors d'une audience devant un tribunal de Londres, que Mark Duggan, père de quatre enfants, était mort d'une seule balle reçue dans la poitrine.

  • Un mort dans les émeutes

Un homme de 26 ans, blessé par balle dans une voiture, lundi soir, lors des émeutes à Londres, a succombé à ses blessures, a annoncé la police mardi 9 août. Il s'agit du premier mort depuis le début des violences, ce week-end.

Pour la première fois depuis le début des émeutes, les violences se sont en outre étendues à d'autres villes du pays, dans la nuit de lundi à mardi : Birmingham, Liverpool et Bristol sont ainsi touchées, ce qui a poussé le premier ministre à rentrer d'urgence à Londres.

  • Arrestations

La police londonienne a arrêté trois personnes soupçonnées de "tentative de meurtre" contre des membres des forces de l'ordre, a annoncé Scotland Yard mardi. Plus de six cent cinquante personnes – dont un garçon de 11 ans – ont été arrêtées depuis le début des violences.

  • Jeunes défavorisés ?

Le pays s'interroge sur les raisons de ces violences, les plus graves depuis des décennies. La classe politique et la police y voient de la "violence gratuite et du vol opportuniste, ni plus ni moins", selon les termes du vice-premier ministre, Nick Clegg.

Mais les habitants des quartiers concernés et certains commentateurs les attribuent aux tensions entre les jeunes et la police, aux difficultés économiques en cette période d'austérité et aux écarts de richesse croissants. De nombreux émeutiers, qui viennent souvent de quartiers où le chômage règne, se disent marginalisés.

"On n'a pas de boulot, pas d'argent (...) On a entendu que des gars prenaient des trucs gratos, alors pourquoi pas nous ?", a dit E. Nan, entouré d'autres jeunes gens dans un quartier populaire de l'est de Londres, très touché par les émeutes.

"C'est triste de voir tout ça", estime un électricien de 39 ans d'Hackney, Anthony Burns. "Mais ces gamins n'ont pas de boulot, pas d'avenir, et les coupes budgétaires n'ont fait qu'empirer la situation (...). Ce n'est que le début."

  • Lundi soir, les violences avaient gagné du terrain à Londres…

Des immeubles étaient en feu à Croydon, Peckham et Lewisham, dans le sud de Londres, tandis que des groupes de pilleurs se répandaient dans les rues de Hackney, dans l'Est, à Clapham, dans le Sud, à Camden, dans le Nord, et Ealing, dans l'Ouest. Au Ledbury, restaurant étoilé au guide Michelin, à Notting Hill, les pilleurs s'en sont pris aux téléphones portables des clients et ont fait main basse sur la caisse ainsi que sur la vaisselle de l'établissement.

Des centaines de policiers antiémeutes sont intervenus pour contenir les émeutiers à Hackney, à quelques kilomètres de Stratford, dans l'est de la capitale, où auront lieu les prochains Jeux olympiques.
 

Emeutes à Londres : les forces de l'ordre dépassées
Le Monde | 09.08.11 | 11h35

Londres, Correspondant - Le Royaume-Uni s'interroge : comment arrêter les destructions qui, en trois jours, ont dévasté des quartiers entiers de Londres, de sa banlieue, ainsi que de Birmingham, de Bristol et de Liverpool ? C'est une guérilla urbaine qui est menée sur le territoire du royaume par des jeunes hooligans auxquels la police s'est montrée incapable de répliquer.

Les saccages ont essaimé, lundi 8 août, à travers l'agglomération londonienne : d'abord Hackney et Camden à l'est, puis Lewisham, Peckham, Clapham et Croydon au sud, avant de gagner l'ouest. La troisième nuit d'émeutes donne l'impression aux sujets de Sa Majesté que la flambée des banlieues françaises est à leur porte. "La bataille pour Londres" : la manchette du Guardian résume la gravité des émeutes qui ont éclaté dans la soirée à travers la capitale.

Mardi matin, le bilan faisait état de 225 arrestations et de 25 policiers blessés depuis le début des violences. Dans la nuit, trois personnes soupçonnées de "tentative de meurtre" contre des membres des forces de l'ordre ont été arrêtées.

VIOLENCE INOUÏE

Après les incidents de ce week-end à Tottenham, Enfield et Brixton, des jeunes armés de bouteilles incendiaires, de briques, de battes de base-ball s'en sont pris, lundi en fin de journée, avec une violence inouïe, à la police et aux résidents dans le cadre d'attaques coordonnées via les réseaux sociaux. Centres commerciaux en flammes, immeubles incendiés, véhicules détruits, magasins pillés, résidents dévalisés… Les quartiers visés ressemblent à une "zone de guerre", pour reprendre l'expression de la députée travailliste d'Hackney,

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