《世界報》評價:《驚悚末日》★★★★




"Melancholia" : Justine, mariée absente au coeur de la bile noire
Le Monde | 09.08.11 | 16h13 • Mis à jour le 09.08.11 | 18h09

Il serait facile d'expliquer la forte impression que ne manque pas de causer Melancholia, le nouveau film de Lars von Trier, sur son spectateur par la démesure de l'événement qui en constitue l'armature et l'épreuve de vérité, soit pas moins que la fin du monde. Un mystérieux prologue, sur fond de Wagner (le prélude de Tristan et Yseut), s'achève par le télescopage et la pulvérisation de la Terre par une planète gigantesque. Précédemment ont été superposées différentes images énigmatiques, mettant en scène celles qui seront les deux protagonistes principales, filmées et figées dans des poses étranges, au coeur d'une série de visions évoquant la pein-ture surréaliste et le style des -symbolistes.

Il serait tentant de ne mettre que sur le dos de l'impressionnante figuration d'une catastrophe cosmique la sidération provoquée par la découverte de Melancholia. Que signifient ces images mystérieuses ? Quelle est la nature de cet événement formidable qui constitue cette entrée en matière ? C'est sans doute la question de l'articulation entre ce qui semble être deux régimes différents de récits et d'images (l'apocalypse et la peinture des caractères qu'elle encadre) qui doit être vue ici comme un enjeu essentiel.

Le film de Lars von Trier se divise, ensuite, après ce démarrage monumental, en deux parties successives dont chacune porte le nom d'un des personnages centraux, Justine (Kirsten Dunst, qui a obtenu le prix d'interprétation féminine au Festival de Cannes 2011) et Claire (Charlotte Gainsbourg), dont on découvrira qu'il s'agit de deux soeurs. La première partie est un repas de mariage. Justine, en effet, se marie. Mais progressivement, la fête, programmée selon l'absurde déroulement d'événements à la symbolique dérisoire (les toasts, les discours, la découpe du gâteau, etc.), se dérègle.

Ce qui au départ était un retard dû à un incident mineur et amusant (la limousine des mariés ne parvenait pas à effectuer un virage en raison de sa longueur) devient la pure et simple désertion, mentale puis physique, de la mariée elle-même, visiblement absente à ce qui lui arrive, s'éclipsant durant de longues minutes, abandonnant finalement son époux dans la chambre nuptiale, gâchant la fête. A ce qui ressemble à un début de dépression, le film semble donner quelques clés psychologiques dans l'infantilisme du père (John Hurt) de Justine, l'indifférence aigrie de sa mère (Charlotte Rampling), le matérialisme prosaïque de son beau-frère (Kiefer Sutherland), l'avidité cynique de son patron. Mais on sent bien que ces données seront insuffisantes à expliquer un phénomène qui défie la causalité elle-même.

La seconde partie isole Justine et la famille de sa soeur Claire dans leur manoir luxueux. Justine est au plus sombre de la dépression, incapable de bouger, de parler, de mettre un pied devant l'autre, dans un état extrême de prostration aboulique. Alors que Claire tente de la sortir de sa torpeur, on apprend qu'une planète vagabonde, nommée Melancholia, s'approche de la Terre. Va-t-elle entrer en collision avec celle-ci ou va-t-elle l'éviter ? Il y a ceux qui ont peur (Claire), ceux qui croient en une rationalité rassurante (son mari) et ceux qui savent que le pire est sûr (Justine).

On l'aura compris, la dépression, la "bile noire" des Grecs, origine étymologique de la mélancolie, est au centre du film de Lars von Trier. Et la catastrophe annoncée, celle de la fin du monde, constitue un catalyseur extrême, à la fois un événement en soi et une allégorie aux significations multiples. Lars von Trier semble déduire de l'indifférence et de la résignation de Justine face à la catastrophe une forme d'hyperlucidité consécutive à un état qui, de toute façon, n'a déjà envisagé que le pire. La dépression produit-elle ainsi une forme de connaissance introuvable ? Mais par ailleurs, la gigantesque planète Melancholia n'est-elle pas l'expression même de la colère de la dépressive, ainsi que de son désir que tout enfin s'arrête puisque rien ni personne n'est digne d'exister ? C'est ainsi dans cette multitude de natures de la catastrophe que le film tire sa force, dans cette prolifération des significations.

Il est difficile de ne pas voir à quel point Melancholia constitue désormais la deuxième partie d'un diptyque, dont le premier volet était Antichrist. Dans les deux cas, Lars von Trier s'attaque en effet à des états limites de la féminité qui opposent, à tout discours rationnel (la psychologie traditionnelle, la psychanalyse, la sociologie), leur singularité radicale et insécable. C'est d'ailleurs le sens de cet usage, dans Melancholia, du romantisme (Wagner) et des motifs du symbolisme pictural, comme un rappel de la persistance de l'irrationnel. Les femmes, chez Lars von Trier, sont des sorcières.
Jean-François Rauger

L'avis du "Monde"

EXCELLENT

Article paru dans l'édition du 10.08.11

周星星評價:《驚悚末日》★★★
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