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(32 | 33) PROBLÈME DU RAPPORT ENTRE LES FACULTÉS : LE SENS COMMUM. ── Les trois facultés actives (imagination, entendement, raison) entrent ainsi dans un certain rapport, qui est fonction de l'intérêt spéculatif. C'est l'entendement qui légifère et qui juge ; mais, sous l'entendement, l'imagination synthétise et schématise, la raison raisonne et symbolise, de telle manière que la connaissance ait un maximum d'unité systématique. Or, tout accord des facultés entre elles définit ce qu'on peut appeler un sens commun.

« Sens commun » est un mot dangereux, trop marqué par l'empirisme. Aussi ne faut-il pas le définir comme un « sens » particulier (une faculté particulière empirique). Il désigne au contraire un accord a priori des facultés, ou plus précisément le « résultat » d'un tel accord [1]  . De ce point de vue le sens commun apparaît, non comme une donnée psychologique, mais comme la condition subjective de toute « communicabilité ». La connaissance implique un sens commun, sans lequel elle ne serait pas communicable et ne pourrait pas prétendre à l'universalité. ── Jamais Kant, en cette acception, ne renoncera au principe subjectif d'un sens commun, c'est-à-dire à l'idée d'une bonne nature des facultés, d'une nature saine et droite qui leur permet de s'accorder les unes aux autres et de former des proportions harmonieuses. « La plus haute philosophie, par rapport aux fins essentielles de la nature humaine, ne peut conduire plus loin que ne fait la direction accordée au sens commun. » Même la raison, du point de vue spéculatif, jouit d'une bonne nature qui lui permet d'être en accord avec les autres facultés : les Idées « nous sont données par la nature de (33 | 34) notre raison, et il est impossible que ce tribunal suprême de tous les droits et de toutes les prétentions de notre spéculation renferme lui-même des illusions et des prestiges originels » [2]  .

Cherchons d'abord les implications de cette théorie du sens commun, même si elles doivent susciter un problème complexe. Un des points les plus originaux du kantisme est l'idée d'une différence de nature entre nos facultés. Cette différence de nature n'apparaît pas seulement entre la faculté de connaître, la faculté de désirer et le sentiment de plaisir et de peine, mais aussi entre les facultés comme sources de représentations. Sensibilité et entendement différent en nature, l'une comme faculté d'intuition, l'autre, comme faculté de concepts. Ici encore, Kant s'oppose à la fois au dogmatisme et à l'empirisme qui, chacun à sa manière, affirmaient une simple différence de degré (soit différence de clarté, à partir de l'entendement ; soit différence de vicacité, à partir de la sensibilité). Mais alors, pour expliquer comment la sensibilité passive s'accorde avec l'entendement actif, Kant invoque la synthèse et le schématisme de l'imagination qui s'applique a priori aux formes de la sensibilité conformément aux concepts. Mais ainsi le problème n'est que déplacé : car l'imagination et l'entendement diffèrent eux-mêmes en nature, et l'accord entre ces deux facultés actives n'est pas moins « mystérieux ». (De même l'accord entendement-raison.)


[1]  《判斷力批判》,§ 40.

[2]  《純粹理性批判》,Dialectique, appendice, « du but final de la dialectique ».

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