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LA RÉVOLUTION COPERNICIENNE. ── Dans le rationalisme dogmatique, la théorie de la connaissance se fondait sur l'idée d'une correspondance entre le sujet et l'objet, d'un accord entre l'ordre des idées et l'ordre des choses. Cet accord avait deux aspects : il impliquait en lui-même une finalité ; et il exigeait un principe théologique comme source et garantie de cette harmonie, de cette finalité. Mais il est curieux de voir que, dans une tout autre perspective, l'empirisme de Hume avait une issue semblable : pour expliquer que les principes de la Nature fussent en accord avec ceux de la nature humaine, Hume était forcé d'invoquer explicitement une harmonie préétablie.

L'idée fondamentale de ce que Kant appelle sa « révo- (22 | 23) lution copernicienne » consiste en ceci : substituer à l'idée d'une harmonie entre le sujet et l'objet (accord final) le principe d'une soumission nécessaire de l'objet au sujet. La découverte essentielle est que la faculté de connaître est législatrice, ou plus précisément, qu'il y a quelque chose de législateur dans la faculté de connaître. (De même, quelque chose de législateur dans la faculté de désirer.) Ainsi l'être raisonnable se découvre de nouvelles puissances. La première chose que la révolution copernicienne nous apprend, c'est que c'est nous qui commandons. Il y a là un renversement de la conception antique de la Sagesse : le sage se définissait d'une certaine façon par ses propres soumissions, d'une autre façon par son accord « final » avec la Nature. Kant oppose à la sagesse l'image critique : nous, les législateurs de la Nature. Quand un philosophe, en apparence très étranger au kantisme, annonce la substitution de Jubere à Parere, il doit plus à Kant qu'il ne le croit lui-même.

Il semblait que le problème d'une soumission de l'objet pût être facilement résolu du point de vue d'un idéalisme subjectif. Mais nulle solution n'est plus éloignée du kantisme. Le réalisme empirique est une constante de la philosophie critique. Les phénomènes ne sont pas des apparences, mais ne sont pas davantage des produits de notre activité. Ils nous affectent en tant que nous sommes des sujets passifs et réceptifs. Ils peuvent nous être soumis, précisément parce qu'ils ne sont pas des choses en soi. Mais comment le sont-ils, n'étant pas produits par nous ? Comment un sujet passif peut-il avoir d'autre part une faculté active, telle que les affections qu'il éprouve soient nécessairement soumises à cette faculté ? Chez Kant, le problème du rapport du (23 | 24) sujet et de l'objet tend donc à s'intérioriser : il deveint le problème d'un rapport entre facultés subjectives qui diffèrent en nature (sensibilité réceptive et entendement actif).

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    遊蕩的哲學: ERRANCE, ERRARE HUMANUM EST, & LES PLAISIRS D'ERRER, ET CAETERA.

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