L'actrice Joan Fontaine, égérie d'Hitchcock, est morte à 96 ans
Le Monde.fr | 16.12.2013 à 05h10 • Mis à jour le 16.12.2013 à 18h05 |

Avec Joan Fontaine disparaît l'une des dernières étoiles de Hollywood, pur produit du système des studios, en même temps que s'éteint l'une des plus anciennes rivalités familiales du show business, celle qui l'opposait à sa sœur, l'actrice Olivia de Havilland. Née au Japon, membre d'une famille illustre de l'empire britannique, Joan Fontaine avait remporté un Oscar pour son rôle dans Soupçons, d'Alfred Hitchcock, et joué quelques-uns des grands rôles féminins de l'histoire du cinéma américain : Rebecca, toujours avec Hitchcock, qui la révéla au grand public, Jane Eyre, aux côtés d'Orson Welles, Lisa Berndle dans Lettres d'une inconnue, de Max Ophuls. Elle est morte le 15 décembre à Carmel (Californie) de « causes naturelles ». Elle avait 96 ans.

DISPUTES AVEC SA SŒUR OLIVIA DE HAVILLAND

Sa dispute quasi séculaire avec sa sœur aînée d'un an Olivia de Havilland, qui remporta également l'Oscar, à deux reprises (pour Chacun son destin et L'Héritière) mais après que Joan Fontaine eut été distinguée par l'Académie, a nourri la chronique mondaine. Cette vendetta, qui avait pris un tour public lorsque les deux sœurs s'ignorèrent lors des remises de prix où elles étaient récompensées, ne s'est éteinte qu'avec la mort de Joan Fontaine qui avait un jour dit « Je me suis mariée la première, j'ai gagné l'Oscar avant Olivia et, si je meurs la première, elle sera sans doute folle de rage parce que je l'ai encore battue ».

Joan de Havilland est née le 22 octobre 1917 à Tokyo, où son père, Walter Augustus de Havilland, était avocat dans la concession réservée aux étrangers. Elle est la cousine germaine de Geoffrey de Havilland qui dessinera les avions Hurricane et Mosquito, éléments essentiels de la suprématie aérienne britannique pendant la Seconde Guerre mondiale. Sa mère, Lilian, avait abandonné sa carrière d'actrice pour suivre son époux dont elle se séparera peu de temps après la naissance de ses filles (Olivia est née en 1916).

Inquiète pour la santé de Joan, Lilian de Havilland s'installe en Californie où la jeune fille va au lycée, avant de terminer ses études à Tokyo, auprès de son père. En 1935, elle retourne aux Etats-Unis où elle fait ses débuts sur scène. Elle prend le nom de Joan Fontaine. Selon les sources, parce que celui de de Havilland est déjà pris par sa sœur, ou parce que sa mère lui en refuse l'emploi. La même année, le studio RKO, propriété du milliardaire Howard Hughes, la prend sous contrat. Elle multiplie les petits rôles, sans grand succès, même si on la voit dans quelques films majeurs comme Femmes, de Cukor. Que son physique lisse, sa discrétion et sa distinction naturelles empêchent producteurs et réalisateurs dedeviner son talent ou qu'elle ait eu un mauvais agent, Joan Fontaine reste anonyme et à l'échéance de son contrat avec RKO, le studio la remercie.

LA RENCONTRE AVEC DAVID O. SELZNICK

C'est à ce moment qu'elle fait la connaissance de David O. Selznick. On est en 1940 et le producteur est auréolé de la gloire que lui a apportée Autant en emporte le vent. Selznick vient de faire appel à Alfred Hitchcock pour une adaptation de Rebecca, le roman de Daphné du Maurier et il propose le rôle à Joan Fontaine. Celle-ci doit néanmoins se plier au rituel que Selznick a mis en place pour le rôle de Scarlett O'Hara : interminables essais, mise en concurrence avec d'autres candidates au personnage de la deuxième madame de Winter, face à Laurence Olivier.

Ce concentré britannique est un immense succès aux Etats-Unis et vaut à Joan Fontaine une nomination à l'Oscar. Elle obtient cette distinction l'année suivante avec Soupçons, dans lequel elle joue l'épouse terrifiée d'un Cary Grant ambigu.

Au long de la décennie suivante, Joan Fontaine affine encore ses compositions de jeunes femmes réservées qui deviennent la proie du désir, celui des hommes, bien sûr, mais aussi le leur. Elle une Jane Eyre impeccable en 1944 dans l'adaptation de Robert Stevenson (dont la mise en scène doit beaucoup à l'interprète du rôle de Rochester, Orson Welles), et surtout une Autrichienne bouleversante, minée par son amour sans espoir pour un bellâtre dans Lettre d'une inconnue, d'Ophuls (1948).

A cette époque, l'espérance de longévité d'une actrice en haut de l'affiche est limitée. Alors que son talent ne donne aucun signe de faiblesse, les rôles intéressants se font plus rare pour Joan Fontaine. On peut encore signaler son exquise Lady Rowena, dans le Ivanhoe de Richard Thorpe (1952), et Une île au soleil, de Robert Rosen (1957), dans lequel son idylle (à peine esquissée) avec Harry Belafonte fait scandale.

A partir des années 1960, Joan Fontaine se consacre essentiellement au théâtre et à la télévision. En 1978, elle publie ses mémoires, No Bed of Roses (« Ce n'est pas un lit de roses ») dans lesquelles elle décrivait Hollywood comme un endroit régi par la peur. Elle s'en était d'ailleurs éloignée en se retirant à Carmel où elle a passé les dernières années de sa vie.

 
Par Thomas Sotinel

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