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法國《電視全覽》(Télérama)週刊給《阿黛兒的人生:第一章跟第二章》滿分四顆星。

LA CRITIQUE LORS DE LA SORTIE EN SALLE DU 09/10/2013
http://www.telerama.fr/cinema/films/la-vie-d-adele-chapitres-1-2,439932.php

C'est un visage qui nous happe, d'autant plus intensément que la caméra ne cesse de le scruter : celui d'Adèle, ses bonnes joues, sa bouche comme un four qui dévore la vie avec boulimie, absorbe tout ce qui passe, spaghettis bolognaise ou lèvres de son amante, cette bouche qu'elle laisse à moitié ouverte, la nuit, quand elle s'abandonne au sommeil, corps écrasé sur le drap, grand bébé épuisé par la difficulté de grandir... Ce visage, Abdellatif Kechiche le montre dans tous les états, joie et peine, relief dévoré par les flots quand les émotions fondent sur lui : larmes, morve, salive inondent l'épiderme au gré des expériences — et certaines seront des raz de marée.
Ce que raconte La Vie d'Adèle, l'apprentissage amoureux d'une jeune fille du nord de la France, son chemin vers la vie d'adulte, n'est pas d'une stupéfiante nouveauté. Mais la façon dont le cinéaste travaille la durée est unique : trois heures (le film aurait pu en durer six et on en redemanderait), dont une bonne partie à ce point fixée sur le minois de son héroïne qu'elle nous fait ­découvrir son état d'esprit. La durée permet cette précision dans les détails, qui enrichit follement l'empathie avec le personnage, voire l'impression de connaître la personne. Un exemple : la façon récurrente qu'a Adèle de remonter son pantalon, geste banal dessinant peut-être une attitude face au monde, comme on se retrousse les manches...
Une fois qu'elle a bien calé ses fesses dans son jean, Adèle suit son chemin : lycéenne littéraire qu'un livre peut transporter, bonne élève selon qu'un prof l'inspire ou pas. Instit, justement, c'est ce qu'elle veut être. Sur la route tracée vers l'IUFM, un incident majeur : la rencontre avec Emma, étudiante aux Beaux-Arts de Lille. Coup de foudre : le premier regard échangé, au hasard d'une rue qu'elles traversent, est une merveille. C'est une scène que Kechiche a préparée en montrant, un peu plus tôt, un cours sur La Vie de Marianne, de Marivaux : comment l'absence de l'être aimé crée un « manque ». Deux visages se croisent, et le bouleversement chimique des coeurs devient palpable — c'est ça, le grand cinéma.
Ce manque, Adèle le comblera par une union folle et longue — l'action se déroule sur plusieurs années. Il s'agit d'une liaison homosexuelle, que Kechiche traite comme n'importe quelle passion amoureuse : joies de la séduction, bonheur du plaisir partagé, ivresse de la vie à deux et dégrisement qui suit, parfois. Deux scènes d'une incroyable puissance émotionnelle, dispute puis retrouvailles, propulsent le dernier tiers du film vers des sommets. Impossible de ne pas voir dans ce vécu-là notre vécu à tous...
La Vie d'Adèle raconte encore autre chose : Emma est le pygmalion d'Adèle, leur amour est aussi une éducation ­artistique — une visite à la Piscine, le musée de Roubaix, le montre. Les rôles se distribuent : Emma est l'artiste et le professeur, Adèle la muse, l'élève, mais aussi celle qui sait se satisfaire du simple contact avec l'art. L'une a choisi de créer, l'autre de recevoir pour mieux transmettre, elle qui fera lire de la poésie à ses jeunes élèves comme jadis on lui demandait de dire les mots de Marivaux. Dans un bel élan masochiste, Abdellatif Kechiche ne cache pas où vont ses préférences : seule la transmission est belle, l'artiste se révèle un monstre d'égoïsme, mal influencé par la « clique » du « milieu », ici critiques d'art, galeristes, étudiant(e)s pédant(e)s — transposez au monde du cinéma, ça marche aussi. Et à Kechiche aussi ?
Mais si Adèle n'était pas qu'une spectatrice ? « C'est bien, ce que tu fais », lui dit l'un des invités d'une soirée en l'honneur d'Emma, pour laquelle Adèle a passé sa journée à cuisiner. « Ce que tu fais » : pas seulement la sauce tomate des pâtes, mais sa présence, en tant que modèle, dans les tableaux d'Emma. Non pas simple « actrice » de la peinture de son amie, mais aussi cocréatrice ? Et son interprète, cocréatrice du film même ? C'est ainsi que le jury du festival de Cannes a lu le film, partageant la Palme d'or entre Abdel­latif Kechiche, le peintre ombrageux, et ses modèles, Adèle Exarchopoulos et Léa Seydoux, récompensant pour la première fois des comédiens. Les deux filles, c'est vrai, sont exceptionnelles : elles s'offrent — et même entièrement — à la caméra avec un naturel qui sidère, au point que la première se confond avec son personnage et que la seconde donne une nouvelle dimension à son jeu, plus mûr, plus composé. Ils peuvent bien s'engueuler, à présent, le réalisateur et ses actrices, cette trinité-là, qui a fait naître un chef-d'oeuvre, est indivisible. Parce que c'était lui, parce que c'étaient elles. — Aurélien Ferenczi
Le sexe en fusion

Pas de litote dans les scènes de sexe - cette figure de style n'intéresse pas Abdellatif Kechiche. La Vie d'Adèle comprend donc plusieurs scènes d'étreinte amoureuse, dont trois, entre Emma et Adèle, ont de quoi entrer illico dans l'histoire de la nudité à l'écran : les corps s'y exhibent et s'y malaxent comme rarement, les chairs remuent, l'énergie déployée pour aller jusqu'au plaisir y est intense. Ces scènes peuvent déranger par leur durée et leur frontalité, qui pourraient faire du cinéaste et des spectateurs des voyeurs. Mais elles possèdent une fonction dramatique : moins réaliste que le reste du film, leur traitement plastique renvoie à la nudité dans la peinture et la statuaire classiques. Par l'imbrication acharnée des corps, ces instants montrent même un idéal platonicien de deux êtres qui ne feraient qu'un. Les séparer, c'est se retrouver à jamais en manque de l'autre.
Aurélien Ferenczi

薯條

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