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FACULTÉ DE CONNAÎTRE SUPÉRIEURE. ── Une représentation ne suffit pas par elle-même à former une connaissance. Pour connaître quelque chose, il faut non seulement que nous ayons une représentation, mais que nous en sortions « pour en reconnaître une autre comme lui étant liée ». La connaissance est donc synthèse de représentations. « Nous pensons trouver en dehors du concept A un prédicat B qui est étranger à ce concept, mais que nous croyons devoir lui rattacher » ; nous affirmons de l'objet d'une représentation quelque chose qui n'est pas contenu dans cette représentation. Or une telle synthèse se présente sous deux formes : a posteriori, quand elle dépend de l'expérience. Si je dis « cette ligne droite est blanche », il s'agit bien d'une rencontre entre deux déterminations indifférentes : toute ligne droite n'est pas blanche, et celle qui l'est ne l'est pas nécessairement.

Au contraire, quand je dis « la ligne droite est le plus court chemin », « tout ce qui change a une cause », j'opère une synthèse a priori : j'affirme B de A comme lui étant nécessairement et universellement (9 | 10) lié. (B est donc lui-même une représentation a priori ; quant à A, il peut l'être ou non.) Les caractères de l'a priori sont l'universel et le nécessaire. Mais la définition de l'a priori est : indépendant de l'expérience. Il se peut que l'a priori s'applique à l'expérience et, dans certains cas, ne s'applique qu'à elle ; mais il n'en dérive pas. Par définition, il n'y a pas d'expérience qui corresponde aux mots « tous », « toujours », « nécessairement »...  Le plus court n'est pas un comparatif ou le résultat d'une induction, mais une règle a priori par laquelle je produis une ligne comme ligne droite. Cause n'est pas davantage le produit d'une induction, mais un concept a priori par lequel je reconnais dans l'expérience quelque chose qui arrive.

Tant que la synthèse est empirique, la faculté de connaître apparaît sous sa forme inférieure : elle trouve sa loi dans l'expérience et non pas en elle-même. Mais la synthèse a priori définit une faculté de connaître supérieure. Celle-ci, en effet, ne se règle plus sur des objets qui lui donneraient une loi ; au contraire, c'est la synthèse a priori qui attribue à l'objet une propriété qui n'était pas contenue dans la représentation. Il faut donc que l'objet lui-même soit soumis à la synthèse de représentation, qu'il se règle lui-même sur notre faculté de connaître, et non l'inverse. Quand la faculté de connaître trouve en elle-même sa propre loi, elle légifère ainsi sur les objets de connaissance.

C'est pourquoi la détermination d'une forme supérieure de la faculté de connaître est en même temps la détermination d'un intérêt de la Raison : « Connaissance rationnelle et connaissance a priori sont choses identiques », ou les jugements synthétiques a priori sont eux-mêmes principes de ce qu'on doit appeler « les sciences (10 | 11) théorétiques de la raison ». [1]  Un intérêt de la raison se définit par ce à quoi la raison s'intéresse, en fonction de l'état supérieur d'une faculté. La Raison éprouve naturellement un intérêt spéculatif ; et elle l'éprouve pour les objets qui sont nécessairement soumis à la faculté de connaître sous sa forme supérieure.

Si nous demandons maintenant : quels sont ces objets ? , nous voyons tout de suite qu'il serait contradictoire de répondre « les choses en soi ». Comment une chose telle qu'elle est en soi pourrait-elle être soumise à notre faculté de connaître et se régler sur elle ? Seuls le peuvent en principe les objets tels qu'ils apparaissent, c'est-à-dire les « phénomènes ». (Ainsi, dans la Critique de la Raion pure, la synthèse a priori est indépendante de l'expérience, mais ne s'applique qu'aux objets de l'expérience.) On voit donc que l'intérêt spéculatif de la raison porte naturellement sur les phénomènes et seulement sur eux. On ne croira pas que Kant ait besoin de longues démonstrations pour arriver à ce résultat : c'est un point de départ de la Critique, le vrai problème de la Critique de la Raison pure commence au-delà. S'il n'y avait que l'intérêt spéculatif, il serait fort douteux que la raison s'engageât jamais dans des considérations sur les choses en soi.



[1]  《實踐理性批判》,préface;《純粹理性批判》,introd. 5.

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    遊蕩的哲學: ERRANCE, ERRARE HUMANUM EST, & LES PLAISIRS D'ERRER, ET CAETERA.

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