FACULTÉ DE DÉSIRER SUPÉRIEURE. ── La faculté de désirer suppose une représentation qui détermine la volonté. Mais suffit-il, cette fois, d'invoquer l'existence de représentations a priori pour que la synthèse de la volonté et de la représentation a priori soit elle-même a priori ? En vérité le problème se pose tout autrement. Même quand une représentation est a priori, elle détermine la (11 | 12) volonté par l'intermédiaire d'un plaisir lié à l'objet qu'elle représente : la synthèse reste donc empirique ou a posteriori ; la volonté, déterminée de manière « pathologique » ; la faculté de désirer, dans un état inférieur. Pour que celle-ci accède à sa forme supérieure, il faut que la représentation cesse d'être une représentation d'objet, même a priori. Il faut qu'elle soit la représentation d'une pure forme. « Si d'une loi on enlève par abstraction toute matière, c'est-à-dire tout objet de la volonté comme principe déterminant, il ne reste rien que la simple forme d'une législation universelle [1]  . » La faculté de désirer est donc supérieure, et la synthèse pratique qui lui correspond est a priori, lorsque la volonté n'est plus déterminée par le plaisir, mais par la simple forme de la loi. Alors, la faculté de désirer ne trouve plus sa loi hors d'elle-même, dans une matière ou dans un objet, mais en elle-même : elle est dite autonome [2]  .

Dans la loi morale, c'est la raison par elle-même (sans l'intermédiaire d'un sentiment de plaisir ou de peine) qui détermine la volonté. Il y a donc un intérêt de la raison correspondant à la faculté de désirer supérieure : intérêt pratique, qui ne se confond ni avec un intérêt empirique, ni avec l'intérêt spéculatif. Kant ne cesse de rappeler que la Raison pratique est profondément « intéressée ». Nous pressentons dès lors que la Critique de la Raison pratique va se développer parallèlement à la Critique de la Raison pure : il s'agit d'abord de savoir quelle est la nature de cet intérêt, et sur quoi il porte. (12 | 13) C'est-à-dire : la faculté de désirer trouvant en elle-même sa propre loi, sur quoi porte cette législation ? Quels sont les êtres ou les objets qui se trouvent soumis à la synthèse pratique ? Toutefois il n'est pas exclu que, malgré le parallélisme des questions, la réponse ici ne soit beaucoup plus complexe que dans le cas précédent. On nous permettra donc de remettre à plus tard l'examen de cette réponse. (Bien plus : on nous permettra provisoirement de ne pas examiner la question d'une forme supérieure du plaisir et de la peine, car le sens de cette question suppose elle-même les deux autres Critiques.)

Il nous suffit de retenir le principe d'une thèse essentielle de la Critique en général : il y a des intérêts de la raison qui diffèrent en nature. Ces intérêts forment un système organique et hiérarchisé, qui est celui des fins de l'être raisonnable. Il arrive que les rationalistes ne retiennent que l'intérêt spéculatif : les intérêts pratiques leur paraissent seulement en découler. Mais cette inflation de l'intérêt spéculatif a deux conséquences fâcheuses : on se trompe sur les véritables fins de la spéculation, mais surtout l'on restreint la raison à un seul de ses intérêts. Sous prétexte de développer l'intérêt spéculatif, on mutile la raison dans ses intérêts plus profonds. L'idée d'une pluralité (et d'une hiérarchie) systématique des intérêts, conformément au premier sens du mot « faculté », domine la méthode kantienne. Cette idée est un véritable principe, principe d'un système des fins.



[1]  《實踐理性批判》,Analytique, théorème 3.

[2]  講到《實踐理性批判》,on se reportera à l'introduction de M. Alquié, dans l'édition des Presses Universitaires de France, et au livre de M. Vialatoux, dans la collection « SUP – Initiation philosophique ».

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    遊蕩的哲學: ERRANCE, ERRARE HUMANUM EST, & LES PLAISIRS D'ERRER, ET CAETERA.

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